À propos

Au nom du Bien commun a été mis en place un dispositif d’état d’urgence sanitaire qui s’apparente trait pour trait au dispositif d’état d’urgence utilisé pour lutter contre le terrorisme. A quoi peut donc servir un tel pouvoir autoritaire dans cette situation ? Nous pensons que ce n’est là que le moyen de conjurer l’impuissance sanitaire par la toute-puissance sécuritaire.
Ce Bien porte le nom de « soignants », « non-saturation des hôpitaux », « préservation de la vie à tout prix ». Toute contestation se verra donc identifier au Mal, punir par la force de l’Etat ou empolémiquer par le spectacle. Il y a avait autrefois un parlement qui aurait pu agir, mais il appartient à un temps disparu. La loi se fait en direct à la télévision au nom du Bien.


En 1991, Philippe Murray écrit “L’empire du Bien”. Ce texte un peu moins fulgurant que les deux tomes d’ « Après l’histoire », énonce néanmoins deux vérités inspirantes pour le temps présent :


« Depuis que le principe a été accepté que nos actes ont des effets, non seulement sur nous-mêmes bien sûr, mais aussi sur les autres, surtout sur eux, le gardiennage hygiéniste et moral ne se tient plus, le pouvoir spirituel des “hommes de science” ne se sent plus aucune limite. »


Et


« Le Bien est en train de réaliser ce qu’aucune institution, aucun pouvoir, aucun terrorisme du passé, aucune police, aucune armée n’était jamais parvenus à obtenir : l’adhésion de presque tous à l’intérêt général, c’est-à-dire l’oubli enthousiaste par chacun de ses intérêts particuliers »


Voici une situation dans laquelle quelques hommes ont les pleins pouvoirs, la pleine légitimité tirée du Bien, la garantie de figurer dans les livres d’histoire, le plaisir d’être attendu comme le messie à chaque intervention télévisuelle car l’organisation matérielle de la vie de millions de gens en dépend.


Cette communication, à la frontière de la propagande, fait progressivement disparaitre l’interrogation sur la justification de cet état d’urgence qui se reproduit depuis plus de 100 jours et jusque février 2021, sans aucun vote du Parlement. On parle de loi sur la sécurité, sur le séparatisme, de chiffres mortifères, mais la situation d’exception générée par l’état d’urgence est hors du débat. Cela conduit silencieusement la population à s’accoutumer à l’état d’urgence. L’homme ne peut vivre dans l’exception, il construit naturellement la norme qu’il habite. Nous ne pouvons restreindre le penchant du pouvoir à aimer le pouvoir, ni le penchant du citoyen à préférer une situation de contrainte à laquelle il s’est habituée plutôt qu’une situation plus libre qui nécessiterait un nouvel effort pour y revenir ou y parvenir, mais nous pouvons nous empêcher nous-mêmes collectivement, que nous soyons parmi les vaniteux du pouvoir ou des lâches du moindre effort – et nous devons admettre que nous pouvons bien tous être de ces différents bords – et graver dans la loi ce qui nous importe encore quand notre esprit est en pleine possession de lui-même.


En effet, l’état d’urgence ne suscite que peu ou pas de contestations. Des contre-pouvoirs constitués réagissent très vite à des menaces connues (suspicion des firmes pharmaceutiques, violences policières, ….) mais restent finalement en retrait sur le dispositif de l’état d’urgence. Le projet 3714 visant à inscrire l’état d’urgence dans le droit commun a été publié le 21 décembre 2020 et aussitôt reporté sans date précise. Sans doute pour tester les réactions de l’opinion. Et l’opinion n’a pas été très intéressée, sauf sur la question du « passeport sanitaire » que permettait d’instaurer cette loi. Dans une certaine mesure c’est le grain de sable du passeport sanitaire dans le Sahara de la dictature qui a fait mouche. Mais ce texte reviendra. S’il a été retouché sur ce point du passeport sanitaire, il passera peut-être globalement inaperçu au milieu du flux continuel de chiffres, de vaccins, de mutations, de confinements-déconfinements, en bref au milieu de ce carnaval. Quand bien même cette question d’un état d’urgence (et d’un état de crise) disponible dans le droit commun comme un dispositif ordinaire commencerait à intéresser un peu le public et les médias qu’il serait déjà trop tard : la procédure accélérée permet le vote en une seule lecture et le gouvernement est majoritaire à l’Assemblée. Il n’a besoin ni de vous ni de personne pour poursuivre l’extension de son pouvoir. Il est le Maître chez vous.

Ainsi, la fenêtre d’action se rétrécit. Il faut agir dès maintenant.
Nous avions un projet qui sombre dans les milliers de pétition et qui n’a pas suscité d’engouement (https://www.change.org/Stop-Etat-Urgence-Sanitaire). Nous en prenons acte. Nous nous sommes également rapprochés du collectif « Citoyens en alerte » qui œuvre dans l’interpellation des parlementaires et le travail de coordination avec d’autres collectifs. Néanmoins, cette voie conforme de la contestation démocratique a ses limites : avec la prochaine prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusque juin et le prolongement de son cadre juridique jusque septembre, la démocratie est en roue libre vers l’Arbitraire. Tous les moyens sont donc désormais permis. Que ce soit une rave à Lieuron ou toute autre action singulière et politique de nature à saboter cette engeance autoritaire constituée d’un président, d’un gouvernement et d’une majorité parlementaire, dont les mandats sont largement outrepassés, dont le seul bénéfice est de nous faire lire ou relire Georges Orwell, Marc Bloch, Montesquieu, Machiavel, La Boetie, Hannah Arendt, Guy Debord, et qu’il convient d’appeler notre Ennemi.