Préambule : vous pouvez aussi vous intéresser à notre tentative politique de rendre illégal, à l’avenir, l’état d’urgence sanitaire en utilisant les moyens constitutionnels en lisant et signant le projet, ou simplement le lisant sur notre site.
Comme annoncé depuis mi-septembre, le projet du texte de loi pour la pérennisation de l’état d’urgence sanitaire (projet 3714 consultable ici) est arrivé. Il faut remarquer qu’il ne s’appelle pas “pérennisation de l’état d’urgence sanitaire”. C’est plus exactement l’institution d’un “régime pérenne de gestion des urgences sanitaires” qui s’invite dans vos assiettes à noël. En effet toute l’intelligence de ce texte est de proposer deux statuts :
– le statut “d’état d’urgence sanitaire” que vous connaissez depuis mars, que vous vivez encore aujourd’hui, et qui doit donc passer dans le droit commun ;
– un statut “d’état de crise sanitaire” avec des pouvoirs plus restreints (blocage des prix, réquisitions, quarantaines, réorganisation des services de santé, mise à disposition des produits de santé). Cet état aurait vocation à gérer le pré- ou le post- état d’urgence.
Il existe plusieurs manières d’édulcorer une mesure. Ici le gouvernement a choisi de mettre à côté d’un grand état d’urgence, un petit état d’urgence. On aura donc l’impression qu’il existe une réponse graduée et qu’on ne recourra aux grands moyens que lorsqu’on aura usé les petits. Sauf que le petit n’est pas petit : “l’état de crise sanitaire” peut être mis en place sur simple décret pour deux mois et renouvelé par décret sans aucune opposition de quiconque. Il s’agit donc d’un pouvoir autocratique possiblement permanent. Ce pouvoir n’est d’ailleurs pas si limité qu’il en a l’air car il permet de placer des personnes en quarantaine. Selon une lecture extensive il permettrait donc un confinement puisque le gouvernement peut mettre en quarantaine les personnes qui “se trouvent ou ont séjourné, sur le territoire national, dans une zone concernée par la présence ou la circulation active d’une source d’infection ou de contamination”. Par exemple, en ce moment en Île de France cela fait 11 millions de personnes concernées qui pourraient être mises en quarantaine.
Par ailleurs, il est très inquiétant de créer un statut d’exception pour organiser les services de santé ou de mettre à disposition des médicaments. Cela voudrait dire que l’on ne peut pas prévoir et mettre en place a priori une organisation suffisamment stable pour faire face à une crise sanitaire ? Il faudrait nécessairement que nous abandonnions la démocratie pour faire face à cette fatalité humaine des plus banale qui s’appelle la maladie. Ainsi donc tout ce gâchis de la crise sanitaire, cette bouillie où l’on retrouve broyés pêle-mêle les écoliers, les jeunes actifs, les étudiants, les artistes, les personnes âgées, les commerçants, les endeuillés, les malades d’autre chose … s’est étalée et continue de s’étaler sans qu’on puisse en tirer aucune leçon.
Encore une fois, le sanitaire semble un habillage pour un projet politique et/ou idéologique : d’une part un état d’urgence sanitaire dont on a pu constater qu’il ne servait à rien sur le plan sanitaire car il ne proposait que des outils autoritaires (les résidents des maisons de retraites représentent les 4/5 des victimes et ne vont pas au théâtre ni ne font du ski en Suisse), d’autre part un “état de crise sanitaire” (sic) qui se veut sanitaire mais dont une utilisation extensive peut conférer des pouvoirs forts et qui se trouve mobilisable à l’envie du Prince.
Il est pourtant fort possible que vous n’ayez pas entendu ces points de critique au sujet de ce projet de loi car la critique s’est cristallisée sur la possibilité de limiter les déplacements et activités de personnes selon qu’elles seraient vaccinées ou non. Le texte exact étant : «Le Premier ministre peut, le cas échéant dans le cadre des mesures prévues aux 1° à 5°, subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif.» Ce sont les remous suscités par ce point qui ont amené Olivier Véran le 23.12 sur TF1 à indiquer que « dans le contexte que nous connaissons, parce qu’il faut de la confiance pour que les Français se fassent vacciner librement, parce que nous sommes encore en état de crise sanitaire et parce qu’il y a un couvre-feu, le gouvernement ne proposera pas ce texte devant le Parlement avant plusieurs mois, avant d’être sorti de la crise. » . Nous avons donc les opposants et les majoritaires qui se trouvent d’accord au moins sur un point : le problème est un problème d’acceptabilité de la vaccination. Les autres question portées par ce texte sont complètement écartées.
Un bref instant en voyant ce projet de loi, nous avions pensé que ce sujet pour lequel nous nous battons depuis mars 2020, à savoir l’excès de pouvoirs conféré par l’état d’urgence sanitaire, allait passer au premier plan de la préoccupation nationale. Mais il semble qu’un mauvais génie s’emploie à limiter la focale de tous les esprits. Confusément, comme une femme violée, nous ne savons plus trop si la honte est sur nous ou sur nos agresseurs. Confusément, comme le roi nu d’Andersen, nous ne savons plus qui est nu et qui est habillé. Car voilà que les agresseurs présentent un projet de loi qu’ils ont annoncé, qui intègre un régime d’exception autoritaire dont tout le monde a souffert, va souffrir et dont personne n’a encore pu montrer qu’il avait eu une quelconque utilité pour prendre de vraies mesures sanitaires mais en parler semble gâcher la fête. Car voilà que les rois avancent dans l’empire, posant de nouveaux pions sur l’étendue de leurs pouvoirs et pourtant l’on n’en entend pas un mot. On ne parle que de la maladie du chef de l’état, de stratégies de vaccination, d’une nouvelle souche de virus. Et nous, nous regardons cela en soulevant doucement la main et en parlant sans élever la voix pour ne pas qu’on nous jette à la figure que nous sommes outranciers, complotistes, révolutionnaires, nihilistes. Et pourtant la démocratie est violée et le roi est nu.