Il a fallu environ 5 ans à Joseph Staline de 1924 à 1929 pour mettre en place un régime totalitaire. Il a fallu environ le même temps à Hitler de 1933 à 1939 pour parvenir de son côté à l’instauration d’un tel régime. La dérive autoritaire de la France est constatée par les observateurs étrangers (voir courrier international). A l’intérieur des frontières, on se contente d’interpréter ces positions comme une stratégie politique, comme un sujet sécuritaire vidé de tout contenu idéologique et concret, un sujet qui n’est qu’un enjeu de la présidentielle de 2022 (Voir par exemple le traitement fait par le Huffington post). On refuse de voir les lois pour ce qu’elles sont, pour ce qu’elles impliquent dans la réalité du contrôle de la population, et on s’amuse finalement de tout cela en le ramenant aux sempiternelles querelles gauche, droite, extrême droite. On pense tant et tant que la démocratie est invulnérable qu’on s’en arrête au mot sans en chercher plus loin sa consistance dans les faits. Et pourtant la dérive d’un pouvoir se mesure aussi à l’aune de ses contre-pouvoirs : le Conseil d’Etat s’enorgueillit d’avoir fait front devant le gouvernement qui voulait contrevenir à une décision de la cours européenne sur la conservation des données (voir Le Monde) alors qu’en réalité il brode une solution sur-mesure qui en permet le contournement (voir la Quadrature du net). Ce n’est donc pas en regardant benoitement le palais des vents de la démocratie toute faite de simulacres institutionnels qu’on peut sereinement envisager les années à venir. Car cinq ans suffisaient dans les années 20 du siècle précédent pour former un régime totalitaire : combien en faut-il dans les années 20 de notre siècle ?
Nous proposons dans cet article de mesurer la distance avec le pire, de mesurer où nous en sommes avec le totalitarisme. L’échelle du pire est une bonne échelle car on nous vend en ce moment l’échelle du meilleur, l’échelle du Bien absolu, du meilleur des mondes, l’hagiographie de Pangloss qui n’est plus un homme unique dans un conte mais tout un amas de gouvernants dans le monde entier. Un tel excès dans un sens mérite l’excès dans l’autre sens. Nous osons parler de la question du totalitarisme et Hannah Arendt va nous guider.
Hannah Arendt définit le totalitarisme comme « la forme de gouvernement avec laquelle la coexistence n’est pas possible » , « qui ne tolère la libre initiative dans aucun domaine de l’existence » et qui va ainsi étendre une domination au-delà de la dictature, qui vise seulement l’élimination des opposants politiques, et au-delà de la tyrannie qui soumet le peuple à un seul par la violence. Elle nous conseille d’employer le mot avec prudence, nous allons y veiller.
La thèse principale de Arendt est que le totalitarisme est rendu possible par une adhésion des masses avides d’un espoir politique mais complètement désintéressées par l’offre existante. Elles sont alors facilement animées par une proposition radicale et cohérente. Ces masses existent tout à fait aujourd’hui. Contrairement à une idée médiatiquement répandue, ces masses contemporaines ne sont pas celles qui font le lit du populisme car la proposition des populistes n’est absolument pas totalisante : elle est au contraire protectionniste et vise à rendre les nations les plus étanches possibles. C’est le projet d’un monde ouvert et économiquement unifié qui constitue à notre époque une idéologie radicale. Il n’y a rien de plus radical que de penser les individus comme mondialement interchangeables, de penser possible de construire un système d’extension généralisée des mêmes règles à l’ensemble du globe, dans lequel chaque leader intérieur ou multipolaire (les fameux GAFA) espère pouvoir accaparer la plus grande sphère de pouvoirs et d’influence. La Chine est excellente à ce jeu. La France actuelle souhaite jouer aussi, croyant peut-être avoir une chance comme les élites européennes de 1930 pensaient aussi orgueilleusement avoir leur part au communisme ou au national-socialisme. Ce faisant elle prépare son arsenal législatif (sécurité globale, état d’urgence sanitaire, …) qui sera tout prêt à se retourner contre elle quand elle aura perdu la partie.
Revenons à Arendt. L’adhésion initiale et volontaire des masses n’est pas le fait « d’une propagande mensongère et bien orchestrée sur l’ignorance et la stupidité » car les masses ne sont pas ignorantes : « les candidats à la dictature totalitaire commencent généralement leur carrière en se vantant de leurs crimes passés et en annonçant en détail leurs crimes futurs ». C’est ce futur violent qui crée une attraction, la nature humaine étant ainsi faite que le mal exerce cette force morbide (il n’y a qu’à voir le succès du cirque romain, des exécutions publiques, et plus récemment les déferlements de haine médiatiquo-réseau-socialitiques contre des criminels sociaux). Les masses ne sont pas ignorantes mais étrangement « crédules et cyniques » à la fois : « la propagande de masse découvrît que son auditoire était prêt à tout moment à croire le pire, quelle qu’en fût l’absurdité, et ne répugnait pas particulièrement à être trompé, puisqu’il pensait que, de toute manière toute affirmation était mensongère. […] on pouvait faire croire aux gens les déclarations les plus fantastiques un jour, et être sûr que, si le lendemain on leur donnait la preuve irréfutable de leur fausseté, ils se réfugieraient dans le cynisme : au lieu d’abandonner les chefs qui leur avaient menti, ils protesteraient qu’ils avaient toujours su que la déclaration était mensongère, et admireraient les chefs pour leur intelligence tactique supérieure. ». C’est bien là ce que nous voyons aujourd’hui. Chacun se pense malin dans ce mouvement sanitaire qui n’est qu’une idéologie particulière appliquée aux masses, l’idéologie du Bien supérieur. Les sympathisants de ces politiques réductrices de libertés savent bien que leurs responsables politiques enchainent des décisions incohérentes (même ceux qui y sont favorables le constatent), et pourtant ils défendent becs et ongles que c’est bien là ce qu’il faut faire. Ils sont déjà endoctrinés, c’est-à-dire crédules et cyniques pour faire à tout prix parti du mouvement. En effet, les sympathisants covidophiles qui ne sont affiliés à aucun parti et aucun syndicat, ne veulent pas passer à côté de l’Histoire qui enfin donne un sens à leur existence. Quant aux covidophiles encartés ou positivement intéressés (journalistes, grandes entreprises, …), ils sont semblables à la bourgeoisie de toutes les époques dont Talleyrand devrait être le saint : ils pensent toujours conformément à l’esprit du temps pour asseoir leurs intérêts. Comme le dit Arendt : « la philosophie politique de la bourgeoisie avait toujours été ‘totalitaire’ ; elle avait toujours cru à une identité de la politique, de l’économie et de la société, au sein de laquelle les institutions politiques n’étaient que la façade des intérêts privés. ».
La société actuelle ainsi est tout à fait compatible à une émergence du totalitarisme. Ceux qui en doutent n’ont pas bien appris leurs leçons d’histoire. Il n’est pas besoin d’agir en faveur du régime pour montrer son adhésion, il suffit de consentir. Consentir à rédiger une attestation pour sortir de chez soi, consentir à porter un masque en plein air, consentir à se faire tester quand on n’est pas malade, consentir à se faire vacciner pour voyager, consentir à rester chez soi avec du paracétamol, consentir à ne pas prescrire de médicament, … Ce consentement vise à se protéger, car après tout, ce n’est pas si grave, il vaut mieux consentir et préserver le reste de sa vie privée. C’est ainsi que s’organise une masse prête ensuite à se monter contre l’ennemi idéologique désigné afin de préserver ce qui lui reste encore de son espace intime : rappelons-nous de l’article semi-humoristique du Monde « Tout le monde veut abattre son joggeur ». L’opposant est un empêcheur du retour à la normalité, un obstacle au scientisme du Bien, à la Santé bienfaitrice pour toute la France et partant pour le monde entier. C’est cette masse consentante prête à accepter un ennemi qui à l’époque était juif qu’Arendt décrit : « les masses de philistins bien organisées, constituaient un matériau bien meilleur et capables de crimes bien plus grands que les criminels soi-disant professionnels, pourvu que ces crimes fussent organisées soigneusement et eussent l’apparence de besognes de routine ». Elle nous décrit Himmler capable d’organiser la domination sur le simple fait que « la plupart des gens ne sont ni des bohèmes, ni des fanatiques, ni des aventuriers, ni des maniaques sexuels ou des illuminés, ni des ratés, mais d’abord et avant tout des employés consciencieux et de bons pères de famille. ». Êtes-vous un bon père de famille qui montre le bon exemple en ajustant son masque, en se désolant des fêtes clandestines, en voulant obtenir les noms des élites qui eux accèdent aux restaurants ? Car celui qui se désole de la fête parce que ceux qui la font sont pauvres ou parce qu’ils sont riches, est le même bon père de famille : il pense avant tout à sa famille et à lui-même.
Venons-en à l’usage de la science. Arendt encore : « La scientificité de la propagande totalitaire se caractérise par l’accent qu’elle met presque exclusivement sur la prophétie scientifique, par opposition à la référence plus traditionnelle du passé ». Avez-vous déjà vu nos ministres analyser le passé de cette épidémie et les erreurs commises durant la fausse épidémie de H1N1 ? N’avons-nous pas plutôt l’annonce régulière que le futur variant sera immanquablement un problème quand bien même à chaque fois cette prophétie s’est révélée fantasque ? Pourtant, à chaque fois, malgré les faits, le monde politique et médiatique veut nous faire croire que ce qu’il a prophétisé s’est réalisé. L’inserm s’est gargarisé de ce que ses prévisions en janvier 2021 pour mars 2021 étaient justes quand bien mêmes elles prophétisaient des morts et que nous n’avons eu que des tests positifs. Peu importe : « mieux que toute les autres techniques de propagande totalitaire, celle de la prédiction infaillible trahit son objectif ultime de conquête du monde, puisque c’est seulement dans un monde entièrement sous contrôle que le dirigeant totalitaire a la possibilité de réaliser tous ses mensonges et d’avérer toutes ses prophéties ».
Voyons aussi que le gouvernement actuel entend soigner la police avec la loi sécurité globale, et lisons Arendt : « Il est évident que ceux qui considèrent la terre entière comme leur territoire futur vont mettre l’accent sur l’organe de la violence intérieure et gouverner le territoire conquis avec des méthodes et du personnel policiers plutôt qu’avec l’armée. ». La police depuis un an est utilisée comme un relais idéologique. Quand la police luttait contre les gilets jaunes, toute outrancière qu’ait pu être la violence des deux côtés, la police restait dans un rôle statutaire de maintien de l’ordre. La police existe pour préserver la société et l’armée existe pour protéger la nation. Aujourd’hui quand vos amis ont peur de franchir les 30 kilomètres qui vous séparent durant ce confinement de mars 2021, ils intègrent une contrainte qui ne correspond à aucune nécessité de protection de la société. L’OMS a déjà indiqué que les asymptomatiques ne transmettaient pas la maladie et les chinois l’ont prouvé. Aucun policier ne vous arrête quand vous êtes séropositifs et que vous continuez à avoir des relations sexuelles avec qui vous voulez. La police obéit ici à un ordre idéologique et vos amis s’y conforment par anticipation et sans même en discuter le fondement. Ce n’est pas tant l’inconvénient de payer une amende : ils ressentent la peur de désobéir, de se faire réprimander et de perdre ainsi une forme de respectabilité, de se faire prendre la main dans le sac et d’être identifié du côté des méchants irresponsables. On met les gens face à un miroir et on leur dit qu’ils sont laids. Si vous roulez saoul, vous avez peur de l’amende mais vous savez aussi que ce que vous faites est potentiellement dangereux pour les autres. Avec le Covid, vous savez que franchir 10 kilomètres n’est absolument dangereux pour personne mais vous cherchez à vous en persuader pour vous donner une raison rationnelle d’obéir, car désobéir pourrait entrainer plus de désagrément à court terme que d’obéir. Et la police est là pour vous rappeler cette idéologie. Vous intégrez la peur comme un réflexe. Petit à petit, avec une première peur comme une amende, puis une plus grande peur comme ne plus pouvoir voyager, puis une peur encore plus grande comme ne plus voir ses aïeux en maison de retraite, puis toujours plus grande comme ne plus pouvoir scolariser ses enfants, etc. On peut alors se rappeler que la force du totalitarisme c’est d’avoir « découvert un moyen de dominer et de terroriser les êtres humains de l’intérieur ».
L’extermination de population est selon Arendt une caractéristique nécessaire de l’instauration d’un totalitarisme. Alors nous ne marchons aujourd’hui sur aucun cadavre, pas plus ceux du covid que ceux d’une extermination de masse, mais gardons nous de penser qu’il faut marcher sur les cadavres pour commencer à résister. On n’a vu les cadavres des camps qu’en y mettant les pieds en 1944. Auparavant on voyait des étoiles et des trains. Peut-être qu’au XXIe siècle il n’est plus nécessaire d’exterminer des populations pour entrer en totalitarisme, peut-être que des morts virtuels, des morts médiatiques, des morts en petite quantité de 3 millions de morts du covid à l’échelle d’une planète de 7 milliards suffisent. Nous sommes tous des orgueilleux qui pensons que jamais nous ne pourrions être pris dans une secte et pourtant mille exemples nous montrent que des gens brillants et équilibrés ont parfois été convaincus. Nous sommes tous des orgueilleux qui pensons que nous ne sommes pas la dupe du mensonge actuel, car tant ceux qui aiment les confinements que ceux qui le détestent savent que ce gouvernement ment, que notre consentement n’est donc que temporaire et nécessaire. Nous sommes tous des orgueilleux qui croyons avoir suffisamment lu et appris pour ne pas crier dans le désert et même nous sommes suffisamment orgueilleux pour rire de ceux qui crient alors que nous savons qu’ils ont raison. Il y a un complot. Un complot qui s’ourdit en nous. Un complot de l’orgueil qui nous convainc que nous sommes du côté du bien et que nous y participons. Et cela vaut pour ceux qui sont d’accord mais aussi pour ceux qui sont indifférents, ou ceux qui ne sont pas d’accord mais bon an mal an acceptent et consentent. Il faut déjouer dès à présent ce complot de l’orgueil et du cynisme. Avec humilité, désobéis, crie et résiste.
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