Du contrat social

Du contrat social - Tu protègeras la Science avant toi-même

Il n’est pas certain que quelqu’un ait encore répondu complètement à la question très simple : « Pourquoi faut-il se vacciner contre le covid ? » La réponse consacrée est une litanie sur le thème des bénéfices individuels et collectifs supposés, y compris la fameuse saturation des hôpitaux. C’est assez surprenant d’assécher ainsi la réponse à cette question par un argumentaire aussi rhétorique.  C’est comme si on posait la question : « Pourquoi faut-il prendre vos vacances en France ? » Et que l’on répondait par un excellent argumentaire sur le fait que la France est un pays admirable, pittoresque et que ça réduit éventuellement votre empreinte carbone. 

Cela élude un point fondamental de la question qui réside dans le « il faut ». Dans la question sur les vacances, on comprend bien que le « il faut » se réfère à une nécessité non impérieuse et on pourrait poser la question : « Pourquoi serait-il bien de prendre vos vacances en France ? ». Voilà, ce serait  bien, voire formidable et le « il faut » est là uniquement pour vous convaincre davantage. Dans la question sur le vaccin, de quoi ce « il faut » est-il la traduction ? Vous convaincre, c’est sûr. Mais « il faut » que vous vous vacciniez pour remplir quelle nécessité impérative ? L’argumentaire répond qu’il le faut pour vous protéger et protéger les autres.  En apparence cela repose donc sur un principe moral. Mais cela est tout à fait inexact : c’est un biais de penser que c’est la morale qui fonde l’argument. La morale n’est que le moyen par lequel l’argument prend sa valeur pour vous convaincre mais c’est le besoin de protection qui est au fondement du raisonnement.  L’Etat a une mission de protéger la population. Mais la protection particulière qu’est censée apporter la vaccination covid à titre individuel et collectif est-elle vraiment nécessaire ? Derrière le postulat que cette protection est aussi possible que nécessaire, il existe une vision impensée de la science qui fonde une nouvelle conception de la société. C’est cela qui se trouve derrière le « il faut » et que nous allons penser ici.

L’Etat a l’obligation de nous protéger collectivement mais il n’a pas jusqu’à présent eu l’obligation de nous protéger individuellement contre nous-mêmes. Individuellement, vous pouvez sauter par la fenêtre ou continuer à fumer, ouvrir votre parachute au dernier moment si cela vous grise et collectivement l’Etat met un numéro vert anti-suicide, taxe les paquets de cigarettes et peut règlementer les licences des sports dangereux. Vous ne pouvez plus fumer dans un lieu public mais vous pouvez fumer autant que vous voulez sinon. Votre individualité va même jusqu’à inclure vos enfants puisque vous pouvez fumer avec eux dans votre salon ou dans votre voiture. Vous avez même le droit de leur dire des choses aussi affreuses que : « Ce carnaval de covid est un non sens absolu » et les mettre en risque de croire que nous ne serions pas dans une pandémie terrifiante, déstructurant ainsi leur esprit et les vouant aux gémonies de la société pour le siècle à venir. La logique de protection individuelle est même tout à fait sabordée en ces temps actuels puisque le droit à l’euthanasie vous permet de vous supprimer dans un cadre légal et que la protection vise uniquement à vérifier que ce ne sont pas des gens de mauvaises intentions qui vous y poussent. Alors pourquoi « faut-il » que vous vous protégiez vous-même en vous vaccinant ? On est obligé de conclure qu’il n’y a là aucune obligation individuelle sérieuse que l’on pourrait vous opposer.

Collectivement la question se pose sous plusieurs angles dont l’angle financier. On pense à la ceinture de sécurité, au casque de moto, … Cet équipement de protection individuelle vous est imposé à titre collectif pour limiter le coût pour la société via la sécurité sociale. Mais dire qu’ « il faut » vous vacciner pour réduire le coût pour la sécurité sociale est un argument un peu mou puisqu’il n’y a pas de traitement officiel, donc que vous ne coûtez rien en étant malade léger, que la probabilité que vous alliez à l’hôpital pour un covid avant 50 ans est faible et que la vaccination a été prévue pour être réitérée au gré des variants comme le prévoit l’Union Européenne avec ses nouvelles commandes de vaccins. Donc votre coût collectif est peut être plus faible de ne pas vous vacciner et de rester chez vous avec un doliprane que de solliciter le dispositif gigantesque et répétitif de vaccination qu’on a souhaité mettre en place pour votre bien. L’argument est aussi un peu faible puisque le ski est censé envahir les hôpitaux et la médecine de ville au point que l’on a fermé les remontées mécaniques pour faire de la place pour le covid, alors que la Compagnie des Alpes qui possède la majeure partie des remontées est une émanation de la Caisse des Dépôts et donc de l’Etat. L’Etat assume donc de mettre chaque année à disposition de ces inconscients skieurs les moyens de se faire mal et en assume collectivement le coût. Donc l’Etat est en capacité d’assumer collectivement certains risques individuels coûteux et même de les encourager au vu de la publicité pour les stations de sports d’hiver. Ce n’est donc pas sur le plan financier pour la collectivité qu’ « il faut » vous vacciner.

Alors il reste le « il faut » du collectif relatif à la contamination. L’exemple de la tuberculose est intéressant. Tout le monde crachait par terre il y a un siècle sans se soucier de rien et les germes de la tuberculose se joignaient à la poussière, puis repartaient dans les airs au gré du vent pour infecter la population. La législation contre la tuberculose a ainsi été l’une des plus coercitives avec celle contre les maladies vénériennes : logiques d’ostracisassions des malades, soins obligatoires, déclarations obligatoires et vaccinations imposées. C’est une approche quasi-pénale qui a dominé en la matière quasiment jusqu’aux années 2000. Non sans soulever la polémique, l’arsenal législatif a été allégé entre 1994 et 2000. La différence notable entre le coronavirus et la tuberculose est évidemment la mortalité. On peut donc constater que pour un risque majeur comme la tuberculose, l’Etat savait utiliser le « il faut » dans les règles de l’art. Avec le covid, l’Etat a dit : il faut cesser toute activité et enfermer les gens chez eux. Ce « il faut » confiner, est celui de « il faut » éradiquer la tuberculose mais à l’évidence il n’est pas le même que le « il faut » vacciner qu’on utilise actuellement puisqu’on nous habitue progressivement à une vaccination obligatoire sans pour autant la mettre en place. C’est donc un véritable roman à intrigue que ce « il faut » vacciner.

On en arrive à l’argument « il faut » vous vacciner pour atteindre l’immunité collective. C’est à nouveau un simple argument de surface qui n’épuise absolument pas la conception de la société qui existe derrière ce « il faut ». En effet, tout cela n’est qu’une théorie scientifique : le Conseil d’Orientation de la Stratégie Vaccinale dans son avis du 30 avril (mis à jour le 11 mai) s’intéresse à la vaccination des adolescents et des enfants dans un paragraphe au titre éloquent  « Rationnel théorique pour justifier la nécessité collective de vacciner les enfants ». C’est éloquent parce que dans cette phrase on passe du « rationnel » au « théorique » et du « rationnel théorique » à la « nécessité collective » sans s’embarrasser d’aucun questionnement. Le fait qu’une théorie soit rationnelle n’en fait pas la réalité. Le fait qu’une théorie se traduise en une nécessité est ce qu’on se doit d’appeler une idéologie. La conclusion de ce paragraphe du conseil d’orientation est : « Ainsi, même en se plaçant dans des conditions optimistes, le nombre de personnes à atteindre nécessite de considérer la vaccination des enfants. […] Il faut rappeler que la vaccination des enfants, si permise par l’obtention des résultats d’efficacité et de sécurité des vaccins, sera un défi important. L’obtention d’un taux de vaccination des enfants suffisant pour atteindre une immunité collective n’est pas certaine. » Si on traduit cela en langage commun cela donnerait tout simplement : il faut vacciner les enfants mais ça va être difficile d’obtenir le consentement des parents. La conclusion ne reprend pas un élément important de l’hypothèse indiqué explicitement dans le titre : cela est complètement théorique. C’est le résultat d’un calcul simplissime à partir de la contagiosité de la maladie. Pasteur retient une contagiosité de 3.3, ce qui donne l’immunité à 70%, le conseil d’orientation de la stratégie vaccinale de 4 ce qui conduit à 75% de la population à immuniser. L’Académie de médecine retient 80%. Cela confirme qu’on est vraiment dans la théorie pure puisque trois instances sérieuses de la santé ne sont pas en phase sur le chiffre : avec un écart de 10%, on est en train de parler de 7 millions de personnes. On se prononce donc approximativement sur la liberté individuelle de 7 millions de personnes, dont des personnes mineures sur une simple supputation. Néanmoins la simplicité du calcul tend inconsciemment à nous montrer que c’est l’évidence même, et donc la vérité même. On prend la contagiosité, on divise, et voilà, nous venons de démontrer qu’ « il faut » vacciner les enfants. Pour autant, ce n’est que le résultat d’un calcul sur la base d’hypothèses, donc le résultat d’un modèle. On a vu où le suivi des modèles nous a conduit jusqu’à présent. La légitimité des modèles théoriques devrait poser quelques questions au vu de leur impact sur nos vies réelles. Si leur légitimité n’est pas interrogée, c’est qu’un principe sous-jacent domine et se trouve embusquer derrière le « il faut ». Ce principe c’est le positionnement de la science aux fondements de notre société, et l’on va s’y engouffrer dans les paragraphes qui suivent.

La vérité serait de dire que personne ne sait si une immunité collective est atteignable compte tenu de l’existence de variants et de l’efficacité relative des vaccins qui n’empêchent pas la contagion. Il serait bon de dire que personne n’en sait rien mais que la Science veut tenter le coup. C’est un pari. Dans un pari, il faut toujours savoir ce que l’on veut miser. Ici, on veut miser des enfants. On peut se demander s’il ne faut pas interdire de casino de tels joueurs qui sont dans le fantasme de gagner leur pari avec de pareilles mises. La science prend ses désirs pour des réalités. Elle délire. En théorie, il faut vacciner les enfants. En pratique, il faut faire disparaitre le « en théorie » et garder uniquement le « il faut vacciner les enfants ». Ce « il faut » est en fait un « il nous les faut, ces enfants » pour aller au bout de notre calcul. Le Conseil d’orientation ou l’Académie de médecine proposent que leur pourcentage théorique soit d’une portée supérieure à votre position pratique et charnelle de protection de vos propres enfants. Ces enfants pour lesquelles votre morale individuelle n’avait pas été remise en cause quand vous fumiez dans votre voiture ou que vous les éduquiez comme vous l’entendez. La théorie scientifique de la santé est moralement meilleure que votre morale parentale. Vous êtes devenu amoral si vous empêchez vos enfants d’entrer dans le « il faut » de la science. Vous êtes un renégat de l’humanité nouvelle, l’humanité faite par et pour la science. Ainsi ce « il faut » qui est déjà là pour les adultes, et qui vient pour les adolescents et les enfants, est le même « il faut » que toute la science et le culte de la marchandise dérivé de la technique vous imposent en pensant que ce qu’ils produisent est toujours meilleur que ce qu’ils ont produit par le passé. « Il faut » parce que la technique doit prouver qu’elle est irrémédiablement notre salut en toute chose et qu’ « il faut » que le vaccin soit la solution technique à un problème de santé publique dont rien n’indique pourtant que le vaccin soit la solution. Il le faut parce que la solution technique de la vaccination confirmera que la totalité de notre humanité est le produit de sa technique. Il le faut parce que la science fantasme et délire. Ce « il » de « il faut » est ce sujet inconscient de la conscience moderne de la morale qui reste impensée et impersonnelle comme un nouveau dieu dont on ne peut dire le nom et que nous devons nommer « il » mais on devrait dire : « La science faut » à la place de « il faut ». La technique est notre salut, la santé passe par la technique, il faut vous vacciner pour honorer le dieu qui vous crée et vous donne à demeurer dans la morale du temps présent, dans la société du Bien, dans le nouveau contrat social : « Tu protègeras la Science avant toi-même. » Tu protègeras la science avant toi-même, parce que tu n’existes pas, parce que ce qui t’a créé et te fait vivre c’est notre science, elle te fait naître, elle te guérit, elle te fait mourir, elle est le seul cadre possible de ton humanité. Il le faut.