D’une lettre ouverte

Lettre ouverte aux députés. Les français ont-ils plus peur de la démocratie ou du virus ?

Lettre ouverte à Mesdames et Messieurs les députés qui se sont opposés
à la prorogation de l’état d’urgence le 3 novembre 2020

Votre intervention du 3 novembre à l’Assemble Nationale nous a confortés dans l’idée qu’au sein des institutions il existait encore des défenseurs de la démocratie. Nous souhaitons que vous puissiez poursuivre votre action par-delà votre groupe et votre parti, afin de constituer avec tous les députés de bonne volonté une force visible au-delà de l’hémicycle qui sache mettre au cœur des préoccupations des Français la dangereuse utilisation de l’état d’urgence comme un mode commun de gouvernement.

Le Conseil Consultatif National des Droits de l’Homme s’inquiétait dans son avis du 3 mai que le Conseil d’État ait laissé l’état d’urgence s’établir sans contrôle parlementaire pour une durée d’un mois quand la loi de 1955 prévoyait un maximum de 12 jours. Comme vous le savez, c’est maintenant pour plus de 100 jours que l’état d’urgence est en place. Comme le CCNDH, nous sommes alarmés par « une concentration entre les mains de l’Exécutif du pouvoir de restreindre les droits et libertés que la République n’a jamais connue en temps de paix. »

Nous avons besoin de vous car les mouvements contestataires qui existent dans l’opinion se déploient sur des bases légitimes mais attirent ensuite des prises de position hors de propos ou délirantes. Ils sont alors de simples épouvantails qui justifient d’autant la rigueur de l’exécutif.

Nous avons besoin de vous car vous êtes légitimes à rappeler à la population qui est maintenue dans la confusion et dans la peur que débattre sauve aussi des vies, qu’aucun scientifique ne pourra faire la démonstration que le parlement menace des vies quand il légifère et contrôle l’action du gouvernement.

Nous avons besoin de vous car les citoyens sont critiques sur la question du contenu des décisions du gouvernement, certains même s’égarent à porter plainte devant le parquet ou la cour de justice de la République, mais ils ne prêtent pas tant attention au mode de gouvernance dans lequel évolue le pays. La pertinence de l’organisation et des décisions sont étudiées par la commission parlementaire en cours et le temps viendra de comprendre les difficultés, les succès et les erreurs. Mais sur la crise de la démocratie, sur son musellement, l’opinion se désintéresse. Le vote de la prorogation de l’état d’urgence a été traité dans la presse comme un « couac », un vaudeville. Vous qui avez défendu la démocratie ce soir-là, vous pouvez rendre compte que l’enjeu bien plus grand et qu’il est encore devant nous.

Le Président rêvait en mars d’une union nationale. En effet, c’est bien ce qu’il faudrait : une union nationale, une union nationale des députés qui veulent sauver la démocratie, la séparation des pouvoirs et l’état de droit. Une union large des députés qui veulent faire cesser la possibilité d’un état d’urgence permanent et établir au plus vite des lois nouvelles qui viseront à donner de solides garde-fous à ce régime d’exception. Cette union n’aura que cela à son agenda et aucunes questions sanitaires, car elles divisent. Faut-il confiner, ne pas confiner, porter des masques ou pas, ouvrir tel commerce plutôt que tel autre : peu importe à ce stade. Il faudra en débattre une fois les pouvoirs revenus à leurs justes places. Contrairement au gouvernement nous ne devons pas avoir plus peur de la démocratie que d’un virus.

Sans doute vous n’êtes pas en accord avec tous les points de ce courrier, ni avec les positions que nous pouvons défendre sur notre site. Cela n’a aucune importance car nous ne voulons aucun rôle. Nous savons par contre que vous avez entendu ce craquement sinistre dans la République. Nous comptons sur vous, Mesdames et Messieurs les députés pour prendre ce rôle qui pleinement vous appartient : donner conscience aux Français que cette crise sanitaire masque une grave atteinte à la démocratie. La loi sur la sécurité globale n’en est peut-être que le premier corollaire.