La sécurité procurée par le passe sanitaire est un mirage, une illusion. Et elle est désormais une illusion notoire puisque le conseil scientifique Français a publié il y a presque un mois son avis du 20 août disant que : « Renforcer le contrôle du respect du pass sanitaire voire chercher à atteindre son respect absolu pourrait faussement faire croire à ses utilisateurs qu’ils sont totalement protégés et nous paraît devoir être évité ». Ce même conseil a enfin osé indiquer « une efficacité limitée vis-à-vis de l’infection par ce variant Delta, avec une protection vaccinale contre les formes symptomatiques de l’infection estimée initialement à 80-90%, puis plus récemment autour de 50%. ».
La première illusion de l’efficacité étant tombée, le conseil scientifique et tout le gouvernement et ses aficionados se raccrochent donc maintenant à l’espérance d’une plus faible transmission et de la réduction des cas sévères. Malheureusement, l’étude de Pfizer ne s’intéresse pas à la transmission et ne permet pas de conclure que le vaccin prévient des formes graves. Dans cette étude, jamais mise à jour, l’intervalle de confiance de la réduction des formes graves à 95% est totalement irrationnel : -124,8 % à 96,3 %. Pour mémoire l’intervalle de confiance permet de tenir compte des incertitudes sur la mesure d’une valeur en donnant les bornes entre lesquelles la valeur réelle se trouve avec une quasi-certitude. Un intervalle énorme signifie donc que ce que l’on a mesuré est probablement complètement aléatoire. C’est ce que le VIDAL indique très officiellement dès décembre 2020 : « Une efficacité contre les formes sévères seulement suggérée. L’évaluation de l’efficacité du vaccin BNT162b contre les formes graves de COVID-19 est rendue délicate par le faible nombre de formes sévères observées : 1 dans le groupe vacciné (sans nécessité d’hospitalisation) et 3 dans le groupe placebo (dont 2 hospitalisations), au moins 7 jours après la seconde injection. Le taux de protection contre ces formes est de 66,4 %, mais avec un intervalle de confiance à 95 % allant de -124,8 % à 96,3 %, donc ininterprétable. »
Afin de prouver ce que le laboratoire lui-même n’a pas réussi à prouver, les idéologues du vaccin instrumentalisent la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) jusqu’à en faire une publicité à la radio et à la télévision, qui nie la possibilité de contester des chiffres. Pourtant la DREES elle-même dit qu’on ne peut pas utiliser ses chiffres dans cet objectif (« il n’est pas possible d’estimer précisément l’efficacité vaccinale via de simples statistiques descriptives », voir Le Monde). Tout statisticien amateur qui a déjà croisé des bases de données est également à même de constater que les données sont inutilisables, et, des statisticiens plus aguerris le montrent très bien (Voir l’analyse de Décoder l’éco). Enfin, même Dominique Costagliola, Grand Prix Inserm 2020, pro-confineuse convaincue, indique aussi que l’on ne peut rien conclure sur la base de ces chiffres (Voir sur twitter). En science, quand une hypothèse n’est pas prouvée, elle reste une hypothèse. On nous permettra même d’appeler cette hypothèse une illusion compte tenu de l’absence complète de protocole scientifique permettant de la vérifier. Didier Raoult dans son interview sur BFMTV a indiqué que la réduction des formes graves n’était pas mesurables dans son panel car à comorbidités identiques, les patients vaccinés ou non qui contractent la maladie présentent le même risque de mourir : “Les gens qui sont infectés, qu’ils soient vaccinés ou qu’ils ne soient pas vaccinés, et qui font partie des groupe à risques sont des gens qui risquent de mourir”. C’est plus convaincant que les données inexploitables de la DREES.
Mais l’illusion n’est pas un problème. Dans la société du spectacle, l’illusion se suffit à elle-même. D’abord l’illusion de la sécurité est suffisante à soutenir l’action politique. Il suffit de la répéter et d’en faire même une publicité gouvernementale, fun et décontractée, qui la pose en vérité. Ensuite l’illusion de la sécurité est suffisante à soutenir ceux qui veulent la reprise économique. Pas ceux qui ont besoin de la reprise économique pour boucler les fins de mois, mais ceux qui la veulent par attachement idéologique et matériel, à savoir les classes les plus aisées. Pour ces derniers, il n’est pas nécessaire que le passe sanitaire soit assis sur la vérité, il est juste nécessaire que la part de fausseté sur laquelle il est assis ne permette pas de les taxer de mauvaise foi si elle venait à surgir. Si on avait proposé un autre affichage favorable à leur portefeuille, il leur aurait convenu tout aussi bien. Par exemple, si on avait dit que les moins de 65 ans ne risquent rien et peuvent circuler librement et que les plus de 65 ans doivent circuler avec un casque de cosmonaute, ils auraient également validé ce point sans sourciller. Cette propension des citoyens les plus aisés à adhérer aux illusions incohérentes mais satisfaisant leur intérêt particulier au mépris de tout le reste est une hypothèse tout à fait sérieuse, comme nous le proposons d’étudier avec les paragraphes suivant.
En novembre 2020, avant que le gouvernement engage une campagne de vaccination générale, puis un chantage général à la vaccination, trois chercheurs de l’Inserm / CNRS / EHESS ont conduit une étude qualitative sur 86 000 répondants qui s’intitule « Les inégalités sociales dans l’hostilité envers la vaccination contre le covid-19 ». Elle est publiée en anglais sur medrxiv. Cette étude s’inscrit dans le cadre plus large de l’enquête nationale sur l’épidémie de covid (EpiCov) menée par Santé Publique France. Elle est donc tout à fait officielle. Ce n’est pas un vague sondage mais une étude qualitative. Elle a été publiée le 10 juin 2021.
L’étude est conduite à un moment où Pfizer vient d’annoncer un vaccin efficace à 90 %, mais qui n’est pas en France concrètement disponible. C’est donc sur la base de leur conviction profonde vis-à-vis de cette annonce, sans rapport avec une réalité concrète des potentialités/effets de ce vaccin que les répondants se prononcent. L’étude montre que la variable qui explique le mieux la réticence à la vaccination est la défiance dans le gouvernement et que cela est encore plus significatif pour le vaccin contre le covid. Autrement dit, l’échec actuel de la campagne que le gouvernement reporte sur les « antivax » n’est en réalité ni plus ni moins que l’échec du gouvernement à instaurer la confiance. Le citoyen qui se lève aujourd’hui en ayant des doutes sur la vaccination est donc un double bouc émissaire : il est d’abord le bouc émissaire d’une promesse technologique mensongère des laboratoires car il est rendu responsable d’une poursuite de l’épidémie alors que les vaccins ont intrinsèquement une efficacité médiocre qui se situe entre 0 % (selon le ministère Israëlien qui considère maintenant les vaccinés 2 doses comme non vaccinés) et 50 % (selon le conseil scientifique Français du 20 août). Il est ensuite le bouc émissaire d’une promesse politique de « retour à la vie normale » via un passe-sanitaire qui élève la défiance envers le citoyen au rang de valeur constitutionnelle puisqu’elle surplombe la liberté, l’égalité et la fraternité (voir notre article) alors que « la vie normale » d’une démocratie ce sont ces valeurs-là et la capacité de l’Etat à les garantir.
Dans cette étude, une hypothèse très intéressante est avancée : « Le gradient des revenus pour la vaccination en général, autant que pour la vaccination contre le covid, même si la vaccination est gratuite en France, révèle peut-être le fait que la perte de revenu dans le cas d’une maladie serait plus importante pour les riches que pour les pauvres ». Ce qui signifie que la classe sociale, le niveau d’éduction et le niveau de vie qui sont en phase avec l’acceptation de la vaccination ne doivent pas immédiatement être interprétés comme une meilleure compréhension de ce qu’est un vaccin et son intérêt, mais comme la peur croissante d’être déclassé et de perdre son niveau de vie. Nous n’avons jamais entendu cette proposition d’explication dans le débat public. Elle est pourtant très conforme à toute la sociologie humaine : maintenir ses privilèges à tout prix. Et conforme à l’histoire de la bourgeoisie dans le monde : maintenir ses privilèges à tout prix en s’assurant d’une confusion extérieure entre l’intérêt particulier à les maintenir et l’intérêt général. Cette confusion se trouve magnifiquement justifiée par le pouvoir en cours comme le souligne Mathieu Slama dans le Figaro : « Toute la communication politique de ces dernières décennies a opéré cette confusion entre marketing politique et intérêt général, et Emmanuel Macron représente en quelque sorte l’aboutissement et la quintessence de cette confusion délétère pour notre démocratie”
L’hypothèse que l’adhésion à la politique de passe-sanitaire et de vaccination contrainte ne sert pas l’intérêt général mais des intérêts particuliers est renforcée par un sondage Odoxa du 2 septembre 2021. On voit une régression linéaire presque parfaite entre le revenu et l’acceptation du passe sanitaire : 56 % pour les très bas revenus, 46 % pour les bas revenus, 39 % pour les revenus modérés, 32 % pour les hauts revenus. C’est un résultat intéressant car on pourrait attendre l’inverse. Celui qui a de très bas revenus va peu, voire pas, au restaurant ou au cinéma, il n’a peut-être pas les moyens d’inscrire non plus ses enfants dans des activités sportives extrascolaires, il ne voyage pas hors des frontières : il est peu concerné par le passe sanitaire dans sa vie concrète hors du cas des centres commerciaux. Il devrait donc être indifférent au passe sanitaire ou peu opposé à ce dispositif. A contrario de celui qui a des revenus élevés et pour qui ce dispositif constitue une entrave concrète à son mode de vie. Mais voilà, celui qui a des hauts revenus est typiquement cadre dans une grande entreprise. Il sait que le resserrement de l’économie a été très favorable pour son portefeuille de titres (voir les cours de bourse) mais préjudiciable à moyen terme sur sa prime de fin d’année, sur son voyage à 3000€ par personne pour aller golfer dans un Club Med et sur son projet d’avoir une plus belle maison encore. C’est cela qui fait briller ses yeux dans le passe-sanitaire. Cette analyse est confirmée par une autre question du sondage Odoxa : 50% des sondés pensent que les «anti-pass» sont « utiles à la société en permettant de faire entendre une opinion différente sur la vaccination» et 48 % qu’ils «défendent nos libertés en refusant que l’Etat se mêle de tout». Quand 60 % des Français sont pour le passe-sanitaire mais que 50 % pensent que ceux qui sont contre sont importants pour la démocratie, on voit qu’il y a une dissociation étrange entre l’intérêt particulier et l’intérêt général. En quelque sorte le bourgeois est satisfait que le passe sanitaire existe pour sauver ses revenus, et qu’une bande d’opposants viennent sauver dans le même temps ses libertés individuelles qu’il a lui-même abandonnées. Car les hauts revenus ne sont pas plus bêtes que les autres : ils ont bien compris que le passe sanitaire n’empêche pas le virus de circuler mais qu’il est un alibi ad hoc pour faire tourner l’économie en laissant le virus circuler tout autant. Et un alibi est ce qui est le plus précieux pour un bourgeois afin de poursuivre l’œuvre constante de la bourgeoisie que nous avons évoquée déjà quelques lignes plus haut : défendre son intérêt particulier sous couvert de l’intérêt général. Notre vacciné altruiste à hauts revenus est en train de faire ce qu’il aurait fait sous le Directoire en 1798 : échapper à la conscription en envoyant un pauvre à sa place sur le front militaire pendant qu’il profite encore un peu d’une économie écrasée pour construire sa fortune à grand renfort d’assignats survalorisés. Sauver sa conscience d’être un bon citoyen, qui va lutter pour la liberté de son pays, tout en restant à l’abri dans ses pantoufles.
Le lecteur du XXIè siècle est peut-être ennuyé de voir le terme de « bourgeoisie » utilisé et peut se méprendre sur son rattachement à une pensée marxiste. Ce qui n’est pas le cas. Le bourgeois du passe-sanitaire n’est pas un homme de classe, il ne défend pas une classe, c’est juste un opportuniste rivé à son intérêt particulier : sa santé, son argent, son statut social. Et pour cela, il est prêt à ne plus penser autrement que par ce prisme jusqu’à crier à l’altruisme quand il se repaît de la discrimination, de la misère sociale d’autrui, de l’autoritarisme grandissant qui le sécurise, de la violence croissante des populations paupérisées révélée par les gilets jaunes. Ce bon bourgeois déborde sur les classes moyennes qui sont aux prises avec des intérêts similaires à un degré moindre. Il ne pense plus que selon son propre intérêt et il en est récompensé par ceux qui ont avantage à faire croire que les intérêts particuliers sont des intérêts généraux. Les fins électorales sont les fins dernières. La démocratie française n’est plus qu’une gigantesque campagne électorale fondée sur un clientélisme communicationnel effréné.
« Vous avez une idée de ce qu’elle doit gagner comme serveuse ? Trois, quatre mille ? Elle fait aussi des heures ailleurs. Vous savez, quand ils gagnent plus de dix mille francs par mois, mon sentiment c’est que les Français se laissent dicter leur vie. » Jean-Luc Godard, Eloge de l’amour.